Bonjour tout le monde,
Je vous laisse ici le compte-rendu d'une journée d'étude sur la loi de 2005 qui a eu lieu dans mon centre de formation, et qui recevait notamment Marcel Nuss... Je vous parlerai bientôt de lui et de ses différentes publications, mais là (en théorie) faut que je travaille sur un dossier de 12 pages à rendre lundi et qui n'est pas commencé, donc...
Bonne lecture !!
Journée d’étude “Loi 2005 et pratiques éducatives.”
La loi de 2005 se présente sous trois grands axes :
-
la scolarisation (et non l’intégration) de tous les élèves à l’école.
Cela ouvre un nouveau travail aux éducateurs (loi 1909 : séparation
enfants valides / enfants handicapés)
- la possibilité du choix des prestataires ouvre à une marchandisation du secteur social et ouvre surtout à la concurrence.
-
C’est la loi des bonnes intentions, mais souvent la réalité est
différente. On a pu le voir récemment avec le financement des
transports qui se fait désormais sous la forme d’un forfait, décidé par
les MDPH – et non plus un remboursement Sécurité Social. Le reste à
charge pour les familles, ou les personnes handicapées reste très
important, le financement ne couvrant que les premiers kilomètres.
Intervention
de Jean-François Dietrich, directeur d’un Institut d’Education Motrice,
accueillant des enfants avec des troubles moteurs, avec ou sans
troubles associés, et des enfants polyhandicapés.
Présentation de la loi, des dispositifs et de la mise en oeuvre.
Chronologiquement, il y a eu trois grandes notions politiques du handicap :
- la réparation (après la guerre de 1914)
- la réadaptation (apparue dans les années 60, avec pour vut de rejoindre l’ordinaire)
-
la compensation de la situation de handicap : pour exercer ses droits
de citoyen, la personne en situation de handicap à droit à la
compensation de son handicap. Cela relève d’une action autant sur la
personne que sur son environnement.
Des représentants des
personnes handicapées se retrouvent dans diverses instances
(associations, communes, commissions). On retrouve également cette
notion de citoyenneté avec l’apport du projet de vie, auquel la
personne en situation de handicap participe.
Mais la personne
peut-elle elle-même définir ses propres besoins ? On y retrouve une
notion d’expertise de la personne sur ses propres besoins, et cela
questionne la place des professionnels.
Plan de la loi de 2005 :
Titre 1 : Dispositions générales (notamment la définition du handicap)
Titre 2 : Prévention, recherche, soins (observatoires, formation des professionnels)
Titre 3 : Compensation et ressources (personnes handicapées en dessous du seuil de pauvreté)
Titre 4 : Accessibilité
Titre 5 : Accueil, information, évaluation, reconnaissance.
Titre 6 : Citoyenneté.
Ce
qui est nouveau dans la définition du handicap, c’est la prise en
compte de la difficulté psychique. Le handicap est une difficulté que
rencontre la personne dans l’interaction avec son environnement.
La
loi offre la possiblité pour la personne handicapée de choisir ses
aidants, sachant que parfois des gestes médicaux sont à accomplir
(aspiration, aider à la prise de médicaments). Il faut donc interroger
la façon de répondre aux soins, par du personnel médical ou un
personnel non médical ?
La personne handicapée a droit à la
compensation des conséquences de son handicap, quelque soit l’origine
et la nature de sa déficience, son âge, son mode de vie. A terme, cela
vise la prise en compte des personnes âgées, et de la dépendance.
Sachant qu’une harmonisation des réponses à ces besoins sera bien
entendu difficile, sachant que la compensation d’une dépendance à l’âge
de 25 ans est bien différente de celle d’une personne de 95 ans.
On
relève quatre types de compensation : les aides humaines, les aides
techniques, l’aménagement du véhicule et du logement, et enfin les
aides exceptionnelles (comprenant les aides animalières). Ces aides
sont forfaitaires et dépendent soit des prestations soit des fonds de
compensation. Ces réponses, forfaitaires, demandent un temps d’étude de
plus en plus long, et une intrusion de plus en plus importante dans la
vie (notamment avec le projet de vie).
Les moyens mis en place
pour appliquer la loi, qu’ils soient en terme de personnels ou en terme
financiers sont largement insuffisants, sachant que chaque personne a
des besoins qui lui sont particuliers et qui nécessitent des réponses
adaptées.
Les aides pour accéder au travail, et surtout au
travail dans le milieu ordinaire sont maintenant une aide au poste et
non à l’entreprise.
Concernant la scolarisation, tout enfant a
le droit d’être inscrit dans l’école de son quartier. Mais quels sont
les moyens mis en oeuvre pour leur permettre d’être scolarisés ? Quels
sont les statuts, la formation, des auxiliaires de vie scolaire,
individuels ou collectifs ? Qu’en est-ils des classes internes à
l’établissement spécialisé ? Les établissement s’ouvrent de plus en
plus sur l’extérieur.
Concernant l’accessiblité du bâtis, la
loi oblige les communes de plus de 5000 habitants à avoir une
commission de l’accessibilité.
Concernant le traitement en lui-même du dossier, il est très disparate sur le territoire, en fonction des différentes MDPH.
Regard critique sur la loi de 2005. Marcel Nuss.
C’est
la loi des bonnes intentions. Une évolution, mais non une révolution.
Il reste une part très médicalisée dans la définition du handicap.
La
DGAS (direction générale des affaires sociales) a réalisé un forfait
horaire par acte. Trois quarts d’heure pour se laver, quinze minutes
pour se déplacer… Les normes d’accessibilité tendent à standardiser
cette norme. Une douche à l’italienne est préconisée. Mais certaines
personnes ont besoin d’une baignoire pour se laver.
Il y a
également un gros problème de sémantique dans cette loi. Elle parle de
l’égalisation des droits et des chances. Je lui aurais préféré équité,
ou égalité. On parle aussi de droit à l’autonomie ou de droit à
l’indépendance ? Le terme de projet de vie serait également à changer
en terme de besoins ou de souhaits.
Souvenez-vous du plan grande
dépendance. Grande dépendance ou “personnes nécessitant un
accompagnement constant ou quasi constant” ? Quelle est la différence
entre la personne en situation de handicap et la personne handicapée ?
La loi joue sur les mots pour essayer de faire évoluer les mentalités.
Je préfère la notion mauricienne de personne autrement capable, qui
insiste plus sur les capacités de la personne handicapée, que sur ses
incapacités, comme peuvent le faire les définitions européennes. Le
regard sur la personne n’est pas le même.
Les mauvais mots stigmatisent, les mots justes humanisent.
La
scolarisation, l’accompagnement des enfants sont un vrai combat. Avant,
c’était le système D : les instituteurs et les copains portaient le
fauteuil. Ce système D faisait naître une complicité naturelle avec les
copains. Aujourd’hui, par contre, les jeunes sont disséqués : ils ont
un accompagnateur le matin pour le lever, un autre à l’école en
journée, un autre le soir à domicile en plus de la famille. Les enfants
ont besoin de stabilité affective. Il faut viser la polyvalence de
l’accompagnateur.
Concernant le travail, plus les personnes
handicapées travaillent, moins elles gagnent. La prestation de
compensation du handicap a fait naître une réelle autonomie physique.
Par contre, les ressources – l’allocation de compensation du handicap –
maintiennent les personnes handicapées dans l’assistanat.
La délégation des gestes de soin, appelée aussi amendement Nuss : personne n’est là pour qu’elle soit appliquée.
Ce que la loi induit pour les travailleurs sociaux :
La
compensation par rapport aux aides techniques est une vraie régression
par rapport à la loi de 1975. Par contre, sous condition de passer par
une évaluation correcte, il y a une vraie avancée sur le plan des aides
humaines.
Les équipes d’évaluation ne sont pas conformes à ce
qu’attendait le législateur : elles ne sont pas polyvalentes, ni
pluridisciplinaires. Le côté médical est encore une fois mis en avant.
Il n’y a pas de personnes handicapées dans les études d’évaluation.
Marcel Nuss emploie quatre personnes à temps plein, pour un accompagnement jour et nuit, de 32 heures par jour.
La
prestation de compensation du handicap est la continuation des forfaits
grande dépendance, mis en place par Ségolène Royal. Elle induit que les
travailleurs sociaux ne pourront plus accompagner les personnes
handicapées comme avant. Leur autonomie entraîne un changement de
comportement et de positionnement. Avant 2005, on était dans une
culture de l’assistanat (la culture de la rééducation). Les
professionnels étaient basés sur leur savoir-faire, on pensait pour la
personne, on travaillait pour le bien des personnes, en leur apportant
juste le minimum vital. La loi de 2005 ouvre à la culture de
l’autonomie, par la compensation : on passe du savoir-faire au
savoir-être. Intervient là la dimension humaine. Le travailleur social
pense et agit avec la personne. On passe d’une logique de charité, de
stigmatisation à une logique de partenariat avec la personne.
La
question de l’usager au centre est intéressante, également. L’usager
est où ? Seul, sur son piédestal. La loi de 2005 ouvre à une
conscientisation et une responsabilisation de tous les acteurs. En tant
que personne handicapée, j’ai le droit de demander une compensation à
hauteur de mes besoins, d’accéder à la citoyenneté, mais cela exige que
je sois conscient de mes demandes, de mes capacités et de mes
incapacités. Entre toute prestation de service, il y a des gouffres. Il
faut être très responsable. Si on ne l’est pas, on devient un assisté
autonome. Toute personne handicapée doit être aujourd’hui consciente
des implications de ce qu’elle demande, de ce qu’elle veut et de ce
qu’elle peut.
Un bon professionnel est capable de reconnaître
ses limites. L’accompagnement repose sur la capacité à se regarder en
face, qui sont les raisons de faire ce boulot. On accompagne pour être
accompagné, on soigne pour se soigner. On le fait pour qu’il y ait un
retour. Plus on est amoindri, par la maladie, plus on est vigilant, ce
qui est un phénomène de survie, et le meilleur moyen de se protéger de
l’autre.
Il n’y a rien à cacher, pas de non-dits. Derrière les
mots, il y a la maltraitance passive. Les exigences humaines sont
énormes dans les métiers de l’accompagnement.
Les écoles
d’auxiliaire de vie sociale, d’aides médico-psychologiques sont un
ramassis d’handicapés sociaux : l’Etat est complice de maltraitance. On
demande aux professionnels d’être de plus en plus pointus, avec
notamment la délégation des gestes de soins, pour l’autonomie, la
sécurité, le confort de la personne accompagnée. Les travailleurs
sociaux sont mal payés. La plupart des institutions sont des mouroirs
et la moitié des professionnels sont à mettre dehors.
La loi de
2005 donne naissance à plusieurs questions centrales : quelle est la
place de la personne handicapée dans la société, quelle est sa valeur ?
D’où l’importance de la complémentarité entre la personne handicapée et
le travailleur social.
Quelle est la formation de vos accompagnateurs ?
Ils
sont aides médico-psychologiques, aides-soignants, ou non
professionnels de l’accompagnement. Les formations ne sont pas adaptées
à la réalité : trop techniques et pas assez humanisées. Pour trouver le
positionnement juste, il ne faut pas oublier l’enjeu de l’affectif, et
la question de la distance professionnelle dans le cadre de la relation
à l’autre. Il faut responsabiliser au maximum la personne accompagnée,
et penser à la génération perdue des personnes handicapées qui sortent
de 20 ou 30 ans de taule.
Vous abordez la question de la sexualité dans un de vos ouvrages. Qu’en est-il ?
Nous
travaillons sur un accompagnement sexué pour le premier semestre 2010.
Cela a commencé par la création du collectif handicap et sexualité en
2007, et sa présentation au Sénat en 2008. Ce collectif est composé de
l’APF, Handicap International, l’AMF et la CHA (coordination handicap
et autonomie, fondée par Marcel Nuss en 2002). Pour le moment,
l’accompagnement sexué est axé sur le handicap physique. Nous verrons
plus tard pour d’autres types de handicap. Le problème en France est
d’ordre juridique : la prostitution est permise, mais le proxénétisme
est interdit. La difficulté est de ne pas ouvrir la porte à la
légalisation de la prostitution (ce que craint l’Association du Nid).
Il y a un travail en partenariat avec l’école suisse SEPH.
C’est qui
un accompagnant sexuel ? D’anciennes prostituées qui reçoivent une
formation, ou d’anciens professionnels du médico-social : psychologues,
infirmières, kinésithérapeute, accompagnants à la vie quotidienne,
éducateurs spécialisés. La sélection est drastique, avec 80% de refus.
Il
y a une différence énorme entre la prostitution et l’accompagnement
sexuel. On parle d’ailleurs d’accompagnement à la vie affective et
sexuelle. Les séances durent environ une heure et demie pour aider la
personne à se réincarner, se réapproprier son corps, à se réhumaniser.
Cela passe par des massages, ce qui est une mise en condition par
rapport à la confiance. Cela peut terminer par une masturbation. Mais
on ne dépasse pas la préconisation de la masturbation dans le cadre
législatif. “Un bon accompagnement sexuel ne peut être efficace que si
les deux personnes ont du plaisir.” La charité, c’est dégradant. Il
faut également éviter la confusion des rôles, entre éducateur
spécialisé et accompagnant sexuel.
Je vous laisse ici le compte-rendu d'une journée d'étude sur la loi de 2005 qui a eu lieu dans mon centre de formation, et qui recevait notamment Marcel Nuss... Je vous parlerai bientôt de lui et de ses différentes publications, mais là (en théorie) faut que je travaille sur un dossier de 12 pages à rendre lundi et qui n'est pas commencé, donc...
Bonne lecture !!
Journée d’étude “Loi 2005 et pratiques éducatives.”
La loi de 2005 se présente sous trois grands axes :
-
la scolarisation (et non l’intégration) de tous les élèves à l’école.
Cela ouvre un nouveau travail aux éducateurs (loi 1909 : séparation
enfants valides / enfants handicapés)
- la possibilité du choix des prestataires ouvre à une marchandisation du secteur social et ouvre surtout à la concurrence.
-
C’est la loi des bonnes intentions, mais souvent la réalité est
différente. On a pu le voir récemment avec le financement des
transports qui se fait désormais sous la forme d’un forfait, décidé par
les MDPH – et non plus un remboursement Sécurité Social. Le reste à
charge pour les familles, ou les personnes handicapées reste très
important, le financement ne couvrant que les premiers kilomètres.
Intervention
de Jean-François Dietrich, directeur d’un Institut d’Education Motrice,
accueillant des enfants avec des troubles moteurs, avec ou sans
troubles associés, et des enfants polyhandicapés.
Présentation de la loi, des dispositifs et de la mise en oeuvre.
Chronologiquement, il y a eu trois grandes notions politiques du handicap :
- la réparation (après la guerre de 1914)
- la réadaptation (apparue dans les années 60, avec pour vut de rejoindre l’ordinaire)
-
la compensation de la situation de handicap : pour exercer ses droits
de citoyen, la personne en situation de handicap à droit à la
compensation de son handicap. Cela relève d’une action autant sur la
personne que sur son environnement.
Des représentants des
personnes handicapées se retrouvent dans diverses instances
(associations, communes, commissions). On retrouve également cette
notion de citoyenneté avec l’apport du projet de vie, auquel la
personne en situation de handicap participe.
Mais la personne
peut-elle elle-même définir ses propres besoins ? On y retrouve une
notion d’expertise de la personne sur ses propres besoins, et cela
questionne la place des professionnels.
Plan de la loi de 2005 :
Titre 1 : Dispositions générales (notamment la définition du handicap)
Titre 2 : Prévention, recherche, soins (observatoires, formation des professionnels)
Titre 3 : Compensation et ressources (personnes handicapées en dessous du seuil de pauvreté)
Titre 4 : Accessibilité
Titre 5 : Accueil, information, évaluation, reconnaissance.
Titre 6 : Citoyenneté.
Ce
qui est nouveau dans la définition du handicap, c’est la prise en
compte de la difficulté psychique. Le handicap est une difficulté que
rencontre la personne dans l’interaction avec son environnement.
La
loi offre la possiblité pour la personne handicapée de choisir ses
aidants, sachant que parfois des gestes médicaux sont à accomplir
(aspiration, aider à la prise de médicaments). Il faut donc interroger
la façon de répondre aux soins, par du personnel médical ou un
personnel non médical ?
La personne handicapée a droit à la
compensation des conséquences de son handicap, quelque soit l’origine
et la nature de sa déficience, son âge, son mode de vie. A terme, cela
vise la prise en compte des personnes âgées, et de la dépendance.
Sachant qu’une harmonisation des réponses à ces besoins sera bien
entendu difficile, sachant que la compensation d’une dépendance à l’âge
de 25 ans est bien différente de celle d’une personne de 95 ans.
On
relève quatre types de compensation : les aides humaines, les aides
techniques, l’aménagement du véhicule et du logement, et enfin les
aides exceptionnelles (comprenant les aides animalières). Ces aides
sont forfaitaires et dépendent soit des prestations soit des fonds de
compensation. Ces réponses, forfaitaires, demandent un temps d’étude de
plus en plus long, et une intrusion de plus en plus importante dans la
vie (notamment avec le projet de vie).
Les moyens mis en place
pour appliquer la loi, qu’ils soient en terme de personnels ou en terme
financiers sont largement insuffisants, sachant que chaque personne a
des besoins qui lui sont particuliers et qui nécessitent des réponses
adaptées.
Les aides pour accéder au travail, et surtout au
travail dans le milieu ordinaire sont maintenant une aide au poste et
non à l’entreprise.
Concernant la scolarisation, tout enfant a
le droit d’être inscrit dans l’école de son quartier. Mais quels sont
les moyens mis en oeuvre pour leur permettre d’être scolarisés ? Quels
sont les statuts, la formation, des auxiliaires de vie scolaire,
individuels ou collectifs ? Qu’en est-ils des classes internes à
l’établissement spécialisé ? Les établissement s’ouvrent de plus en
plus sur l’extérieur.
Concernant l’accessiblité du bâtis, la
loi oblige les communes de plus de 5000 habitants à avoir une
commission de l’accessibilité.
Concernant le traitement en lui-même du dossier, il est très disparate sur le territoire, en fonction des différentes MDPH.
Regard critique sur la loi de 2005. Marcel Nuss.
C’est
la loi des bonnes intentions. Une évolution, mais non une révolution.
Il reste une part très médicalisée dans la définition du handicap.
La
DGAS (direction générale des affaires sociales) a réalisé un forfait
horaire par acte. Trois quarts d’heure pour se laver, quinze minutes
pour se déplacer… Les normes d’accessibilité tendent à standardiser
cette norme. Une douche à l’italienne est préconisée. Mais certaines
personnes ont besoin d’une baignoire pour se laver.
Il y a
également un gros problème de sémantique dans cette loi. Elle parle de
l’égalisation des droits et des chances. Je lui aurais préféré équité,
ou égalité. On parle aussi de droit à l’autonomie ou de droit à
l’indépendance ? Le terme de projet de vie serait également à changer
en terme de besoins ou de souhaits.
Souvenez-vous du plan grande
dépendance. Grande dépendance ou “personnes nécessitant un
accompagnement constant ou quasi constant” ? Quelle est la différence
entre la personne en situation de handicap et la personne handicapée ?
La loi joue sur les mots pour essayer de faire évoluer les mentalités.
Je préfère la notion mauricienne de personne autrement capable, qui
insiste plus sur les capacités de la personne handicapée, que sur ses
incapacités, comme peuvent le faire les définitions européennes. Le
regard sur la personne n’est pas le même.
Les mauvais mots stigmatisent, les mots justes humanisent.
La
scolarisation, l’accompagnement des enfants sont un vrai combat. Avant,
c’était le système D : les instituteurs et les copains portaient le
fauteuil. Ce système D faisait naître une complicité naturelle avec les
copains. Aujourd’hui, par contre, les jeunes sont disséqués : ils ont
un accompagnateur le matin pour le lever, un autre à l’école en
journée, un autre le soir à domicile en plus de la famille. Les enfants
ont besoin de stabilité affective. Il faut viser la polyvalence de
l’accompagnateur.
Concernant le travail, plus les personnes
handicapées travaillent, moins elles gagnent. La prestation de
compensation du handicap a fait naître une réelle autonomie physique.
Par contre, les ressources – l’allocation de compensation du handicap –
maintiennent les personnes handicapées dans l’assistanat.
La délégation des gestes de soin, appelée aussi amendement Nuss : personne n’est là pour qu’elle soit appliquée.
Ce que la loi induit pour les travailleurs sociaux :
La
compensation par rapport aux aides techniques est une vraie régression
par rapport à la loi de 1975. Par contre, sous condition de passer par
une évaluation correcte, il y a une vraie avancée sur le plan des aides
humaines.
Les équipes d’évaluation ne sont pas conformes à ce
qu’attendait le législateur : elles ne sont pas polyvalentes, ni
pluridisciplinaires. Le côté médical est encore une fois mis en avant.
Il n’y a pas de personnes handicapées dans les études d’évaluation.
Marcel Nuss emploie quatre personnes à temps plein, pour un accompagnement jour et nuit, de 32 heures par jour.
La
prestation de compensation du handicap est la continuation des forfaits
grande dépendance, mis en place par Ségolène Royal. Elle induit que les
travailleurs sociaux ne pourront plus accompagner les personnes
handicapées comme avant. Leur autonomie entraîne un changement de
comportement et de positionnement. Avant 2005, on était dans une
culture de l’assistanat (la culture de la rééducation). Les
professionnels étaient basés sur leur savoir-faire, on pensait pour la
personne, on travaillait pour le bien des personnes, en leur apportant
juste le minimum vital. La loi de 2005 ouvre à la culture de
l’autonomie, par la compensation : on passe du savoir-faire au
savoir-être. Intervient là la dimension humaine. Le travailleur social
pense et agit avec la personne. On passe d’une logique de charité, de
stigmatisation à une logique de partenariat avec la personne.
La
question de l’usager au centre est intéressante, également. L’usager
est où ? Seul, sur son piédestal. La loi de 2005 ouvre à une
conscientisation et une responsabilisation de tous les acteurs. En tant
que personne handicapée, j’ai le droit de demander une compensation à
hauteur de mes besoins, d’accéder à la citoyenneté, mais cela exige que
je sois conscient de mes demandes, de mes capacités et de mes
incapacités. Entre toute prestation de service, il y a des gouffres. Il
faut être très responsable. Si on ne l’est pas, on devient un assisté
autonome. Toute personne handicapée doit être aujourd’hui consciente
des implications de ce qu’elle demande, de ce qu’elle veut et de ce
qu’elle peut.
Un bon professionnel est capable de reconnaître
ses limites. L’accompagnement repose sur la capacité à se regarder en
face, qui sont les raisons de faire ce boulot. On accompagne pour être
accompagné, on soigne pour se soigner. On le fait pour qu’il y ait un
retour. Plus on est amoindri, par la maladie, plus on est vigilant, ce
qui est un phénomène de survie, et le meilleur moyen de se protéger de
l’autre.
Il n’y a rien à cacher, pas de non-dits. Derrière les
mots, il y a la maltraitance passive. Les exigences humaines sont
énormes dans les métiers de l’accompagnement.
Les écoles
d’auxiliaire de vie sociale, d’aides médico-psychologiques sont un
ramassis d’handicapés sociaux : l’Etat est complice de maltraitance. On
demande aux professionnels d’être de plus en plus pointus, avec
notamment la délégation des gestes de soins, pour l’autonomie, la
sécurité, le confort de la personne accompagnée. Les travailleurs
sociaux sont mal payés. La plupart des institutions sont des mouroirs
et la moitié des professionnels sont à mettre dehors.
La loi de
2005 donne naissance à plusieurs questions centrales : quelle est la
place de la personne handicapée dans la société, quelle est sa valeur ?
D’où l’importance de la complémentarité entre la personne handicapée et
le travailleur social.
Quelle est la formation de vos accompagnateurs ?
Ils
sont aides médico-psychologiques, aides-soignants, ou non
professionnels de l’accompagnement. Les formations ne sont pas adaptées
à la réalité : trop techniques et pas assez humanisées. Pour trouver le
positionnement juste, il ne faut pas oublier l’enjeu de l’affectif, et
la question de la distance professionnelle dans le cadre de la relation
à l’autre. Il faut responsabiliser au maximum la personne accompagnée,
et penser à la génération perdue des personnes handicapées qui sortent
de 20 ou 30 ans de taule.
Vous abordez la question de la sexualité dans un de vos ouvrages. Qu’en est-il ?
Nous
travaillons sur un accompagnement sexué pour le premier semestre 2010.
Cela a commencé par la création du collectif handicap et sexualité en
2007, et sa présentation au Sénat en 2008. Ce collectif est composé de
l’APF, Handicap International, l’AMF et la CHA (coordination handicap
et autonomie, fondée par Marcel Nuss en 2002). Pour le moment,
l’accompagnement sexué est axé sur le handicap physique. Nous verrons
plus tard pour d’autres types de handicap. Le problème en France est
d’ordre juridique : la prostitution est permise, mais le proxénétisme
est interdit. La difficulté est de ne pas ouvrir la porte à la
légalisation de la prostitution (ce que craint l’Association du Nid).
Il y a un travail en partenariat avec l’école suisse SEPH.
C’est qui
un accompagnant sexuel ? D’anciennes prostituées qui reçoivent une
formation, ou d’anciens professionnels du médico-social : psychologues,
infirmières, kinésithérapeute, accompagnants à la vie quotidienne,
éducateurs spécialisés. La sélection est drastique, avec 80% de refus.
Il
y a une différence énorme entre la prostitution et l’accompagnement
sexuel. On parle d’ailleurs d’accompagnement à la vie affective et
sexuelle. Les séances durent environ une heure et demie pour aider la
personne à se réincarner, se réapproprier son corps, à se réhumaniser.
Cela passe par des massages, ce qui est une mise en condition par
rapport à la confiance. Cela peut terminer par une masturbation. Mais
on ne dépasse pas la préconisation de la masturbation dans le cadre
législatif. “Un bon accompagnement sexuel ne peut être efficace que si
les deux personnes ont du plaisir.” La charité, c’est dégradant. Il
faut également éviter la confusion des rôles, entre éducateur
spécialisé et accompagnant sexuel.