par mickeydu86 Ven 10 Déc 2010 - 21:44
voila le sujet de poitiers20/11/2010
EPREUVES d'ADMISSION2011
Samedi 20 Novembre 2010
Formations d'Assistant deService Social
d'Educateur de Jeunes Enfants
d'Educateur Spécialisé
EPREUVEECRITE D'ADMISSIBILITE: résumé et argumentation
(durée del'épreuve: 3 heures)
L'enracinement d'unedélinquance d'exclusion
La jeunesse a descomportements qui traversent les époques, sans doute précisément parce qu'elleest ce moment qui précède l'établissement dansles modèles normatifs généraux.Depuis des lustres, la sociabilitéjuvénile, l'affirmation de soi, l'épanouissementdes corps, la découverte du sexe, le goût pour l'alcool et les conduites àrisque, le style de vie nocturne, les provocations envers les adultes et lesinstitutions, la tentation du vol, caractérisent cet âge de la vie, surtoutchez les garçons. Pour des raisons diverses (fragilités familiales, échecsscolaires, influence de certains pairs, événements biographiques), certainsferont même une plus ou moins longue carrière dans des pratiques délinquantesplus structurées (comme le vol organisé ou la revente de cannabis). Parailleurs, il est également classique que certains enfants, exposés précocementà de la violence psychologique voire
physique au sein de leur famille et de leur environnement, soient plus enclinsà user à leur tour de la violence verbale et physique pour s'exprimer. Lapériode actuelle perpétue ces schémas anciens. Elle présente cependant deuxspécificités relatives, l'une presque inconnue du débat public,l'autre connue à l'excès. La première (et la moins connue) est l'importance qu'a pris la compétition pour la possession des biens de consommation, avec les prédations et lesagressions qui en découlent. Dans la plupart des cas, les voleurs (et lescambrioleurs) ne sont pas des professionnels organisés et spécialisés (commeles voleurs de voiture de luxe, les voleurs d'objets d'art), ils volent lesbiens ordinaires fabriqués en série par la société de consommation: voitures,scooters, téléphones portables, lecteurs de disque MP3, etc.
Les adolescents volent ou rackettent aussi parfois des vêtements demarque. Peu d'argent liquide car nous avons maintenant tous des cartes bleuesque l'on peut bloquer en quelques minutes. Ces voleurs ne sont pas non plus desprofessionnels. Ils volent pour posséder et jouir immédiatement ou bien revendre«au noir», se faire un peu d'argent, c'est-à-dire consommer un peu plus tard. Nous sommes ici face à un constat qui est en réalité classique ensociologie de la délinquance et que nous avons hélas trop souvent tendance à oublier: c'est le constat de la liaison entreexclusion et délinquance d'appropriation dans les sociétés de consommation. Ditautrement, c'est le constat que certaines formes de délinquances sont liées defaçon structurelle à cette société de consommation qui implante dans lesesprits dès le plus jeune âge l'idée que le bonheur c'est d'avoir et quiorganise l'ensemble de la vie sociale autour de la consommation. Ceux qui sontles vaincus de la compétition sociale veulent pourtant consommer eux aussi. Dans la mesure où ils sont privés d'autre source de reconnaissance et defierté, ils veulent même consommer davantage encore que les autres et pourpouvoir aussi le montrer aux autres (la fierté c'est de paraître et c'est dedéfier les autres), prenant ainsi une sorte de revanche sociale. Notons aussi qu'une partie des violences est en réalité occasionnée parces vols et cambriolages. Notons enfin que l'enracinement du trafic de cannabisest aussi à sa manière une réponse à cette situation d'exclusion, qui fait denombre de ces jeunes des «smicards du business». On ne comprend pas lalégitimité de ces trafics aux yeux des concernés si l'on ne la replace pas dansle
contexte d'un taux de chômage qui, chez les jeunes hommes âgés de 16 à 25 ans,sortis de l'école sans diplôme voisine les 50%. Notons enfin que cettecompétition pour les biens est en grande partie responsable des violences.
La seconde spécificité(bien connue cette fois-ci) réside dans le fait que cette crise est en grandepartie territorialisée, au sens où elle concerne davantage les territoires queles politiques de la ville et les politiques de sécurité ont recensés chacune àleur manière depuis deux décennies. Même si le caractère surmédiatisé de cettelocalisation/cles banlieues», «les cités»), allié au ciblage discriminatoire de l'action policière,tend très abusivement à réduire les phénomènes de délinquance juvénile àces territoires, il n'en demeurepas moins qu'ils y sont davantage prégnants. Outre que ces territoires concentrent la pauvreté et le chômage, ils ont souvent une jeunesse pléthorique (donc une délinquance juvénileplus forte que dans d'autres quartiers ici par simpleeffet de structure démographique) qui y fait rapidement l'expérience de ladiscrimination dans les relations sociales ordinaires et dans le rapport auxinstitutions, et qui, pourune petite partie d'entre elle, y réagit dans un surcroît de déviance. Pour toutes ces raisons-et enliaison aussi avec les politiques de peuplement desorganismes publics et des élus locaux-iseconcentre dans ces quartiers une population le plus souvent majoritairement étrangère et d'origine étrangère. De là l'apparente «sur-délinquance» des jeunes issus
de l'immigration.
Ces deux caractéristiques sont révélatrices d'une double crise des structures d'intégration de la jeunesse dans lemonde adulte. Lapremière est économique: l'accès à un statutsocial est rendu particulièrement difficile pour des centainesde milliers de jeuneshommes qui se trouvent déqualifiés par rapport à la vie professionnelle, defaçon autant sinon plus symbolique que réelle( dans la mesure où il existe pour certains d'entre eux desemplois précaires de type intérim mais qui ne confèrent pas un statut). Et ilfaut souligner le poids de ce statut dansl'ensemble du processus d'entrée dans l'âge adulte, son incidence sur l'ensembledes relations familiales et sociales des individus. Actuellement, les pouvoirs publics s'interrogent sur l'âge auquel un jeune commence à «délinquer». Orcette question n'est pas la seule importante pour une société. Il est probable que celle de savoir à quel âge il sort des pratiques délinquantes l'est autant sinon davantage. La carrière délinquante a certes un début, mais elle a aussi une fin. Et c'est sans doute ici que les changementsles plus notables sont intervenus ces dernières décennies. Si «la jeunesse ne prend une certaine consistance sociale qu'à partirdu moment où se prolongent ces temps de passage qui définissent une positionsociale
incertaine», alors il faut admettre que l'on a jamaisété aussi jeune aussi longtemps que dans la société française de cesvingt dernières années. La question de l'emploi stable est icicentrale, elle a des c**séquences sur les deux autres critèresclassiques qui définissent l'«entrée dans l'âge adulte» : l'accession à un logement indépendantet la formation d'un couple stable, prélude àla fondation d'une famille.Ce modèle de «réussitedans la vie» (avoir un travail, un logement, une famille) est unanimementpartagé dans la société. Mais il est difficilement concevable pour beaucoup deces jeunes qui sont, de fait, les «inutiles» du système.
La seconde crise est symbolique et politique: l'accèsà la citoyenneté est rendu particulièrement difficilepour ces jeunes hommes qui se considèrent globalementdisqualifiés par rapport au modèle dominantdans l'ordre politique, qui ne sont plus sollicités ni représentés parles forces politiques traditionnelles, et qui sont donc démunis pourconstruire des actions collectives autonomes,durables et non-violentes (par opposition aux émeutes qui, survenant généralement à la suite d'une mort d'homme, sont des déchaînements émotionnels passagers).
Laurent Mucchielli,
Socio-logos, Revue ~@ l'association française de sociologie, 2007
Résumé en 7 lignes
Argumentation: 3 pages maximum