1) Histoire de l'éducation des origines à nos jours
1-1) Les trois grands régimes de scolarisation à travers l'Histoire
1-1) Les trois grands régimes de scolarisation à travers l'Histoire
La naissance et le développement de l'école. L'Ecole fait son apparition avec la naissance de l'écriture. Le premier système de transcription graphique du langage (la première écriture) apparaît en ‑3 300 en Mésopotamie. Elle apparaîtra plus tard en Egypte (‑3 200), en Chine, etc. Cette invention permettait de satisfaire les besoins de l'Etat qu'ils soient d'ordre administratif (Mésopotamie) ou religieux (Egypte et Chine). L'usage de l'écriture s'étendra ensuite à plusieurs autres fonctions sociales. Les premiers systèmes d'écriture sont un peu compliqués au point qu'il fallait de nombreuses années pour s'initier à ce codage. Les premières écoles avaient pour seule vocation d'apprendre le lire/écrire. Puis l'écriture a donné une impulsion à la pensée humaine. Elle a permis de développer les mathématiques, la médecine, etc. L'école qui, au départ, se contentait d'apprendre à lire et écrire, va donc commencer à transmettre les connaissances acquises à partir de la technique de l'écriture. Cela dit, la mission centrale et fondamentale de l'institution reste toujours, à notre époque, d'assurer l'entrée dans la culture écrite, même s'il y a débat, aujourd'hui, sur ce que sont les missions de l'Ecole. On entend, en effet, des voix qui voudraient substituer à cette mission fondamentale des missions périphériques.
Les trois régimes de scolarisation. On peut distinguer, au cours de l'Histoire, trois grands régimes de scolarisation.
a) à partir de l’invention de l’écriture jusqu’au XVIème siècle l’école n’accueille qu’une minorité de la population
b) du XIVème siècle jusqu’en 1960 il existe deux écoles : une pour l’élite et une école pour le commun peuple (se limitant simplement à l’alphabétisation).
c) De 1960 à aujourd’hui une école pour toute la population.
Ces trois régimes correspondent respectivement à trois questions relatives aux inégalités sociales. Sous le premier régime, la question était de savoir « Qui a accès à l’école ? » (et donc qui en était exclu). Sous le deuxième régime, il s'agissait de savoir « Qui entre à la bonne école ? ». Aujourd'hui, sous le troisième régime, puisque l'école est devenue unique, la question que l'on est amené à se poser est « Quelle sélection s'opère au sein de cette école ? ». (On verra en effet que, malgré l'école unique, tout le monde ne sort pas du système scolaire avec le même niveau de diplôme suivant son origine sociale.)
Le premier régime de scolarisation. Le premier régime de scolarisation se caractérise par le fait que l'institution scolaire n'y accueille qu'une petite minorité de la population. Cette minorité (scribes en Egypte et en Mésopotamie, mandarins en Chine) occupe une position sociale élevée mais pas dominante. En Chine, un futur lettré devait connaître 2 000 signes à 7 ans, on peut donc imaginer ce qu'était la dureté des écoles de l'époque. Il existait par exemple un maître du fouet chargé de corriger les récalcitrants. Des tablettes expliquaient également aux élèves que le statut de lettré est une position enviable. Le groupe de lettrés va s'étendre progressivement. Dans la Grèce Antique, on avait trois catégories d'individus : des gens très lettrés et cultivés, des gens initiés suffisamment pour déchiffrer les affichages publics, puis l'essentiel de la population rurale ne sachant pas lire. On est encore, à cette époque, dans le premier régime de scolarisation.
Des alphabets de plus en plus simples. Les systèmes d'écriture vont évoluer. Ils vont être de plus en plus économiques. Après les alphabets idéographiques, naissent des alphabets syllabiques composés d'une centaine de lettres. On invente aussi des alphabets consonantiques (qui ne notent que les consonnes) ; c'est par exemple, en –1 300 l'alphabet phénicien, en –1 000 l'alphabet paléohébraïque, et en –600 l'alphabet hébraïque. Ceux-là comprennent une cinquantaine de lettres. Les alphabets vocaliques (actuels) sont inventés au VIIIe siècle avant notre ère en Grèce antique. Avec les alphabets consonantiques, on est obligé de reconstituer le mot. L'alphabet vocalique a cet avantage qu'il note tous les sons.
En cinq millénaires, on est passé d'une écriture idéographique (écriture de mots nécessitant des milliers de signes) à une écriture phonographique (écriture de sons) dont l'usage est beaucoup plus simple puisqu'elle comprend au maximum une trentaine de signes.
L'entrée dans le deuxième régime de scolarisation ou le développement de l'alphabétisation de masse. Le deuxième régime de scolarisation (à partir du XVIe siècle) se caractérise par l'existence, d'une part, d'une minorité de lettrés mais, d'autre part, d'une masse de la population qui est alphabétisée. Entre le XVIe et le XVIIIe siècle, l'élite (1% des jeunes générations) reçoit son éducation dans les « collèges ». En parallèle, on va assister à une scolarisation de plus en plus grande du peuple. Au XVIe siècle, les protestants entrent en lutte contre la domination de l'Eglise catholique. Ils contestent l'enrichissement indu de l'Eglise sur le dos des fidèles. Ils rejettent cette Eglise et décident d'accéder à Dieu directement grâce à un retour aux Ecritures. Le souci de Luther et de Calvin est donc d'alphabétiser les fidèles. Au départ du processus de scolarisation de masse, il y a donc la Réforme protestante. Les pasteurs se servent de l'imprimerie nouvelle pour diffuser la Bible. Suite à cela, l'Eglise catholique se sent tenue de contre-attaquer sur le même terrain. La Contre-Réforme (catholique) va, à son tour, prendre en charge le développement de l'alphabétisation. Du XVIe au XVIIIe siècle, on assiste ainsi au développement rapide des écoles de paroisse. C'est ainsi que, à la veille de 1789, 47% des hommes et 25% des femmes signaient de leurs mains les registres de mariage. Des études ont montré qu’il ne s’agissait pas simplement d’une simple reconstitution graphique ; la moitié de la population française masculine disposait effectivement d’une capacité minimale de lire/écrire. L'enseignement se faisait dans des écoles paroissiales ou communales. Dans la France du nord, 90% des communes avaient des écoles (le plus souvent paroissiales). Dans la France du sud, ce chiffre était de 50% (il s'agissait toujours surtout d'écoles paroissiales, mais avec une plus grande proportion d'écoles communales). Ces écoles étaient financées par les communes ou par le clergé (mais pas par l’Etat). Elles ne fonctionnaient souvent qu'une partie de l’année. Au XIXe siècle, le processus d'alphabétisation se poursuit avec une intervention croissante de l’Etat. En 1879, la proportion de Français alphabétisés (signant leur registre de mariage) était de 75% des hommes et 50% des femmes. Puis, dans les années 1880, on met en place l’Ecole de Jules Ferry qui est une école primaire obligatoire, gratuite et laïque. En quelques années, elle fait passer le taux d’alphabétisation à près de 100% de la population. Cependant, on est toujours dans le deuxième régime de scolarisation car on a toujours deux écoles : le lycée (qui, à l'époque, prenait les élèves depuis le CP) et l'école communale. L’élite va au lycée tandis que la masse de la population va à l’école communale (et seulement à l'école communale).