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    Le capital social

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    normal Le capital social

    Message par Darkzapatiste Jeu 11 Sep 2008 - 7:45

    La notion de capital social est devenue si importante que la Banque mondiale en a fait l’un de ses principaux critères dans le choix de ses projets de développement. La vie sociale se trouvant par là subordonnée aux impératifs économiques, à l’efficacité et à la productivité, n’y a-t-il pas lieu de craindre le pire pour le sort des plus fragiles dans les sociétés soumises à cette loi? Pour répondre à cette question, il nous faut d’abord préciser le sens de la notion de capital social, ce que nous ferons dans la première partie de ce dossier. Dans la section enjeux, nous réfléchirons sur les conditions dans lesquelles la notion de capital pourra contribuer à protéger les plus fragiles parmi nous et sur les risques de durcissement qu’elle comporte, en raison de son statut de moyen par rapport à une fin d’ordre économique ou écologique. Dans la section essentiel nous réfléchirons sur la qualité des rapports sociaux que la théorie du capital social tend à réduire à leur dimension quantitative.
    Le capital social

    En moins de vingt ans, suite à l’usage qu’en firent les sociologues Pierre Bourdieu, James Coleman, et Robert Putnam surtout, la notion de capital social a conquis toutes les places fortes de la recherche sur les grandes questions sociales, politiques, économiques et même écologiques. La Banque mondiale l’a placée au centre de son processus de décision. Pourtant la question à l’étude est celle qui retient l’attention des penseurs depuis Platon et Aristote : quels rapports les hommes doivent-ils entretenir avec leur semblable pour vivre dans la paix et l’harmonie à l’intérieur d’un grand ensemble humain, qu’il s’agisse d’une cité ou d’une nation? Quel est donc l’éclairage nouveau qu’a apporté la notion de capital social pour prendre une telle importance en si peu de temps, pour devenir au début du XXIe siècle l’équivalent de la notion de classe sociale au début du siècle dernier?

    Pour Pierre Bourdieu, le capital social se situe dans le sillage de la classe sociale, il fait partie au même titre que le capital économique et le capital culturel, avec lequel il coïncide souvent, des facteurs qui déterminent le pouvoir dont disposent les individus et par suite, leurs chances de réussir dans la vie et d’abord à l’école.

    Si c’est le mot pouvoir qui résume le mieux la conception de Bourdieu, c’est l’adjectif anglais fungible qui aide le mieux à comprendre la conception de Coleman. À ses yeux le capital social peut prendre diverses formes ou configurations ayant chacune une fonction particulière, mais il n’est pas fungible : on ne peut pas substituer un type de capital social à un autre pour remplir la même fonction. La famille élargie n’est pas la meilleure rampe de lancement d’un projet qui exige la plus haute compétence technique.
    Et ce sont les mots association et société civile qui caractérisent le mieux la conception de Robert Putnam. Tocqueville avait observé que la démocratie américaine au XIXe siècle reposait sur la vie associative dans les communautés. De nombreux citoyens participaient activement à une ou plusieurs associations ce qui leur donnait l’expérience de la persuasion par la parole et l’écoute. Putnam a souligné avec force le lien très étroit entre cette vie associative et la société civile. Dans Bowling Alone, ouvrage paru en 2000, Putnam a soutenu que la vie associative est en régression aux Etats-Unis depuis la fin de la décennie mil neuf cent-soixante. Dans d’autres travaux, il a montré qu’une trop grande diversité ethnique réduit le capital social. C’est la principale raison pour laquelle l’œuvre de Putnam suscite tant d’intérêt en ce moment dans les pays où la proportion d’immigrants est importante.
    Ce succès s’explique davantage par la quantité de données que Putnam a accumulées et par la rigueur de sa méthode de cueillette et d’analyse que par la clarté de sa définition du concept de capital social. Comme ses mesures portent principalement sur des associations volontaires, des clubs de bridge aux associations charitables, et comme la thèse de Tocqueville sur le lien entre ces associations et la solidité de la démocratie américaine est le point de départ de Putnam, on est tenté de croire que le capital social se réduit à ses yeux aux dites associations volontaires. Ce n’est pas le cas. Le concept de capital social, dit-il, est le conceptual cousin de celui de communauté, et c’est l’expression réseau social qui le résume le mieux, le réseau pouvant être dans les faits aussi bien formel qu’informel, aussi bien nécessaire, imposé par la tradition que voulu ou électif. Si bien qu’on se demande si le concept de capital social ajoute quelque chose au concept de sociabilité. Il ajoute, répond Putnam, l’idée de valeur:« L'idée centrale de la théorie du capital social c'est que les réseaux sociaux ont une valeur. De même qu'un tournevis (capital physique) ou une formation de niveau collégial (capital humain) peuvent accroître la productivité, (individuelle et collective) de même les contacts sociaux influent sur la productivité des individus et des groupes.»1
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    normal Re: Le capital social

    Message par Darkzapatiste Jeu 11 Sep 2008 - 7:49

    Le mot valeur, emprunté ici sans ambiguïté à l’économie, justifie l’usage du mot capital. L’exemple du tournevis, si grossier qu’il puisse paraître, a au moins l’avantage de ne laisser aucun doute au lecteur sur la présence de la raison instrumentale au cœur de la théorie de Putnam. Certes, précise-t-il, comme il y a de l’argent sale, il y a du capital social dont l’effet est négatif, tel celui des mafias et de certains groupes religieux fondamentalistes, et cela nous oblige à faire l’effort de minimiser le mauvais capital social et d’optimiser le bon. Mais une fois cette réserve faite, Putnam n’hésite pas à laisser flotter une connotation positive autour des réseaux sociaux qui constituent le capital social.
    D’où l’usage que fera la Banque mondiale du concept de capital social dans le cadre de ce qu’elle appelle le Community driven developement (CDD). Le mot d’ordre est simple : il faut proposer des projets compatibles avec le type de capital social qui les caractérise. Ainsi un projet ou une entreprise exigeant que le recrutement se fasse uniquement sur la base de la compétence technique ne conviennent pas à une communauté où les liens familiaux sont très forts.


    Enjeux
    Au moment où je travaillais à ce dossier, j’ai croisé, à l’occasion d’une promenade, une adolescente à cheval. Son père la suivait, mais à pied. Tout autour, la neige épurée et omniprésente d’un lendemain de tempête en campagne ajoutait je ne sais quelle grâce à la scène. Je me suis rapproché du trio, pour constater que l’adolescente était secouée par les larmes. Elle montait son cheval pour la dernière fois. Il était vieux, malade, l’heure de l’euthanasie avait sonné pour lui. Elle le menait chez un voisin qui ferait discrètement le nécessaire. Le cheval en avait-il le pressentiment? Il hennissait à la mort…Et les chevaux du centre d’équitation voisin se sont rassemblés près de la clôture, comme pour lui faire leurs adieux.
    L’euthanasie!C’est la norme pour les vieux chevaux dans notre coin de pays. Pour les chiens la norme est un peu différente. Le nôtre m’accompagnait dans ma promenade, mais sur trois pattes seulement, un accident l’ayant privé de la quatrième. Nous n’avons même pas songé à le faire euthanasier et nos voisins, qui l’aiment aussi, ont approuvé notre choix. Notre attachement pour lui n’a fait que croître depuis et tout indique que la réciproque est vraie.
    On pourrait expliquer la clémence de la norme dans le cas du chien par le fait qu’il s’agit d’un animal de compagnie qui ne cesse pas de remplir sa fonction quand il est handicapé, tandis qu’un cheval qu’on ne peut ni monter, ni atteler vaut moins que sa viande. En d’autres termes, le chien handicapé continue de faire partie du capital social de ses maîtres tandis que le cheval en est exclu par la vieillesse ou un handicap.
    Il existe des normes semblables entre êtres humains. Malheur aux sociétés où elles sont la loi ultime, c’est peut-être le sort du cheval et non celui du chien qui y attendra les plus faibles. On pousse insensiblement les sociétés dans cette direction chaque fois que l’on réduit les rapports sociaux à des moyens en vue d’une fin autre : la santé, la richesse, le bonheur, la démocratie. Vue sous cet angle, la théorie du capital social est extrêmement dangereuse. Il est presque inévitable qu’elle ait pour effet de durcir les rapports humains partout où elle n’a pas comme contrepoids soit une philosophie, soit une religion qui subordonne les normes sociales au respect absolu de la dignité de l’être humain. L’inscription de la dignité dans la liste des droits individuels qui doivent être respectés n’est pas une mesure suffisante pour protéger les plus faibles. C’est précisément là où l’on se flatte le plus de respecter les droits individuels que la tentation de faire du choix un absolu est la plus forte. Et de même que l’eugénisme s’est généralisé dans les sociétés libérales où l’on a continué de le réprouver sous la forme que lui avait donnée les nazis, de même pourra-t-on, tout aussi hypocritement pousser les plus faibles vers la porte de sortie. «J’ai commencé la mort par de la solitude », disait le poète. La solitude à laquelle bien des gens sont réduits dans nos sociétés affairées et libérales les rapproche dangereusement de la porte de sortie.
    On aura compris que Putnam n’échappe pas à l’idée de bien dont il s’est pourtant efforcé de faire abstraction dans ses sondages. Il subsiste une pétition de principe au cœur de sa théorie : le capital social est une bonne chose dans la mesure où il produit de bonnes choses : la santé, l’éducation, la réussite, la richesse : Notre économie, notre démocratie et même notre santé et notre bonheur depend on adequate stocks of social capital. » Mais le capital social peut aussi être une mauvaise chose. Même s’il produit alors également richesse, démocratie, santé et bonheur? Hélas oui! Nul ne peut contester que de 1933 à 1939 le formidable capital social allemand a produit richesse, bonheur et santé, sinon dans la démocratie, du moins avec l’appui de la majorité. Il faut donc un critère transcendant pour juger le capital social.
    Ce qui revient à dire qu’il faut d’abord se garder de le considérer comme un moyen et ensuite faire preuve de la plus grande prudence dans le recours aux critères quantitatifs pour l’évaluer. Voici la liste des quatorze indicateurs à partir desquels l’indice de capital social est établi pour chaque état américain :
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    normal Re: Le capital social

    Message par Darkzapatiste Jeu 11 Sep 2008 - 7:50

    Oui: "J'ai passé beaucoup de temps à visiter des amis."
    Oui: "La plupart des gens sont dignes de confiance"
    Oui: "La plupart des gens sont honnêtes."
    Participation : Participation à une réunion publique touchant les affaires municipales ou scolaires. (pourcentage)
    Nombre d'organisations civiques ou sociales par 1000 habitants.
    Nombre moyen de réunions de clubs tenus auxquelles on a participé l'an dernier
    Nombre moyen de membres poar groupe.
    Nombre moyen d'actes bénévoles l'an dernier.
    Nombre moyen d'événements à la maison l'an dernier.
    Nombre moyen de participations à un projet communautaire l'an dernier
    Nombre d'organisations sans but lucratif par 1000 habitants
    Poste de responsable dans une organiation l'an dernier. (pourcentage).
    Membre d'un comité d'une organisation locale l'an dernier. (pourcentate)
    Pariticipation aux élections présidentielles, 1988 and 1992
    Les résultats que l’on peut obtenir à l’aide de tels indicateurs ne sont intéressants que dans la mesure où l’on peut présumer que la qualité de la participation aux divers réseaux n’a pas varié entre les deux époques comparées : 1975 et 1998. Ils perdraient tout intérêt, par exemple, dans l’hypothèse où, entre les deux années en cause, à la faveur d’une révolution spirituelle par exemple, les Américains auraient fait le choix de cultiver de rares mais profondes amitiés et de ne s’engager que dans des causes, rares elles aussi, qui mobilisent leurs plus hautes facultés et les obligent à la fidélité.
    Nous connaissons tous des personnes ayant, comme on disait jadis, de l’entregent, dont les amis ne sont que des contacts et qui ont d’autant plus de contacts que leur lien avec chacun est plus superficiel. À la limite, une société uniquement composée de pareils individus pourraient être considérée comme le plus grand capital social au monde selon les indicateurs de Putnam et être totalement dépourvue de sociabilité.
    C’est l’indice de qualité des rapports sociaux qu’il faudrait d’abord chercher. Faite de chaleur humaine, de richesse affective et d’un intérêt éclairé pour autrui, cette qualité suppose un haut degré d’identité, d’authenticité, lequel suppose à son tour un solide enracinement dans un lieu et une culture de même qu’un sens métaphysique qui permet, selon les mots de Victor Hugo, de « sentir l’être sacré frémir dans l’être cher ». L’érosion de la substance humaine produit celle des rapports humains. Quelle peut être la qualité des rapports sociaux d’un être gavé d’images et de bruits hétéroclites, constamment sollicité par la publicité, incapable d’une attention à la fois vive et patiente, ayant besoin de la drogue pour affronter la vie de tous les jours ?
    Il est fort possible qu’il y ait eu érosion de la substance humaine aux Etats-Unis entre 1975 et aujourd’hui. Les soldats qui servent en Iraq en ce moment ont-ils le courage, la force d’âme de ceux qui ont si bien servi l’Europe pendant la guerre de 1939-1945 et qui ont ensuite enrichi le capital social de leur pays comme le montre Putnam ?
    Il faut soulever la question de l’érosion de la substance humaine dans le débat sur le capital social. Là où la cause profonde du mal est à ce niveau, comme c’est peut-être le cas aux Etats-Unis de Putnam, il est vain de chercher le remède dans un retour volontaire aux associations, retour qui sera sans lendemain, précisément parce qu’il sera un acte volontaire, plutôt que de résulter de ce désir de l’autre qui est aussi un désir du bien. Quand on ne peu plus ni voir, ni sentir les autres, c’est parce qu’ayant été gavé de fausse altérité, on sent la fausseté de sa propre identité.
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    normal Selon Bourdieu

    Message par Darkzapatiste Jeu 11 Sep 2008 - 7:53

    Bien souvent le capital social est rapidement défini comme « carnet d'adresses » ou « réseaux de relations » (ces deux exemples sont tirés du Sciences Humaines de ce mois-ci (n°186 - Octobre 2006), p.57) ; définition simple (simpliste ?) qui, ne semblant évoquer qu'une « collection » d'individus, tend à occulter d'une part la nécessité de raisonner en terme de groupe et d'autre part l'obligation d'introduire l'étude des autres types de capitaux auxquels le capital social est étroitement lié (et sur lesquels il peut avoir un « effet multiplicateur »).
    Le texte ci-dessous est simplement intitulé « Le capital social » ; il a été publié dans Actes de la Recherche en sciences sociales en 1980 (n° 31, intitulé lui aussi « Le capital social ») et est signé Bourdieu qui, petite précision, le fait précéder de la mention « notes provisoires ». C'est souvent ce texte qui sert de « référence » aux définitions plus « poussées » du concept de capital social (par exemple, Le vocabulaire de Bourdieu, Christiane Chauviré et Olivier Fontaine, aux éditions Ellipses, ou encore Sociologie contemporaine, de Jean-Pierre Durand et Robert Weil, aux éditions Vigot).

    Le capital social selon Pierre Bourdieu

    La notion de capital social s'est imposée comme le seul moyen de désigner le principe d'effets sociaux qui, bien qu'on les saisisse clairement au niveau des agents singuliers — où se situe inévitablement l'enquête statistique — ne se laissent pas réduire à l'ensemble des propriétés individuelles possédées par un agent déterminé : ces effets, où la sociologie spontanée reconnaît volontiers l'action des «relations», sont particulièrement visibles dans tous les cas où différents individus obtiennent un rendement très inégal d'un capital (économique ou culturel) à peu près équivalent selon le degré auquel ils peuvent mobiliser par procuration le capital d'un groupe (famille, anciens élèves d'écoles d'«élite», club sélect, noblesse, etc.) plus ou moins constitué comme tel et plus ou moins pourvu de capital.
    Le capital social est l'ensemble des ressources actuelles ou potentielles qui sont liées à la possession d'un réseau durable de relations plus ou moins institutionnalisées d'interconnaissance et d'inter-reconnaissance; ou, en d'autres termes, à l'appartenance à un groupe, comme ensemble d'agents qui ne sont pas seulement dotés de propriétés communes (susceptibles d'être perçues par l'observateur, par les autres ou par eux-mêmes) mais sont aussi unis par des liaisons permanentes et utiles. Ces liaisons sont irréductibles aux relations objectives de proximité dans l'espace physique (géographique) ou même dans l'espace économique et social parce qu'elles sont fondées sur des échanges inséparablement matériels et symboliques dont l'instauration et la perpétuation supposent la re-connaissance de cette proximité. Le volume du capital social que possède un agent particulier dépend donc de l'étendue du réseau des liaisons qu'il peut effectivement mobiliser et du volume du capital (économique, culturel ou symbolique) possédé en propre par chacun de ceux auxquels il est lié. Ce qui signifie que, quoiqu'il soit relativement irréductible au capital économique et culturel possédé par un agent déterminé ou même par l'ensemble des agents auxquels il est lié (comme on le voit bien dans le cas du parvenu), le capital social n'en est jamais complètement indépendant du fait que les échanges instituant l'inter-reconnaissance supposent la reconnaissance d'un minimum d'homogénéité «objective» et qu'il exerce un effet multiplicateur sur le capital possédé en propre.

    Les profits que procure l'appartenance à un groupe sont au fondement de la solidarité qui les rend possibles. Ce qui ne signifie pas qu'ils soient consciemment poursuivis comme tels, même dans le cas des groupes qui, comme les clubs sélects, sont expressément aménagés en vue de concentrer le capital social et de tirer ainsi le plein bénéfice de l'effet multiplicateur impliqué dans le fait de la concentration et de s'assurer les profits procurés par l'appartenance, profits matériels comme toutes les espèces de «services» assurés par des relations utiles et profits symboliques tels que ceux qui sont associés à la participation à un groupe rare et prestigieux.
    L'existence d'un réseau de liaisons n'est pas un donné naturel, ni même un «donné social», constitué une fois pour toutes et pour toujours par un acte social d'institution (représenté, dans le cas du groupe familial, par la définition généalogique des relations de parenté qui est caractéristique d'une formation sociale), mais le produit du travail d'instauration et d'entretien qui est nécessaire pour produire et reproduire des liaisons durables et utiles, propres à procurer des profits matériels ou symboliques. Autrement dit, le réseau de liaisons est le produit de stratégies d'investissement social consciemment ou inconsciemment orientées vers l'institution ou la reproduction de relations sociales directement utilisables, à court ou à long terme, c'est-à-dire vers la transformation de relations contingentes, comme les relations de voisinage, de travail ou même de parenté, en relations à la fois nécessaires et électives, impliquant des obligations durables subjectivement ressenties (sentiments de reconnaissance, de respect, d'amitié, etc.) ou institutionnellement garanties (droits); cela grâce à l'alchimie de l'échange (de paroles, de dons, de femmes, etc.) comme communication supposant et produisant la connaissance et la reconnaissance mutuelles. L'échange transforme les choses échangées en signes de reconnaissance et, à travers la reconnaissance mutuelle et la reconnaissance de l'appartenance au groupe qu'elle implique, produit le groupe et détermine du même coup les limites du groupe, c'est-à-dire les limites au-delà desquelles l'échange constitutif, commerce, commensalité, mariage, ne peut avoir lieu. Chaque membre du groupe se trouve ainsi institué en gardien des limites du groupe : du fait que la définition des critères d'entrée dans le groupe est en jeu dans toute nouvelle entrée, il peut modifier le groupe en modifiant les limites de l'échange légitime par une forme quelconque de mésalliance. C'est pourquoi la reproduction du capital social est tributaire d'une part de toutes les institutions visant à favoriser les échanges légitimes et à exclure les échanges illégitimes en produisant des occasions (rallyes, croisières, chasses, soirées, réceptions, etc.), des lieux (quartiers chics, écoles sélects, clubs, etc.) ou des pratiques (sports chics, jeux de société, cérémonies culturelles, etc.) rassemblant de manière apparemment fortuite des individus aussi homogènes que possible sous tous les rapports pertinents du point de vue de l'existence et de la persistance du groupe; et d'autre part du travail de sociabilité, série continue d'échanges où s'affirme et se réaffirme sans cesse la reconnaissance et qui suppose, outre une compétence spécifique (connaissance des relations généalogiques et des liaisons réelles et art de les utiliser, etc.) et une' disposition, acquise, à acquérir et à entretenir cette compétence, une dépense constante de temps et d'efforts (qui ont leur équivalent en capital économique) et aussi, bien souvent, de capital économique. Le rendement de ce travail d'accumulation et d'entretien du capital social est d'autant plus grand que ce capital est plus important, la limite étant représentée par les détenteurs d'un capital social hérité, symbolisé par un grand nom, qui n'ont pas à «faire la connaissance» de toutes leurs «connaissances», qui sont connus de plus de gens qu'ils n'en connaissent, qui, étant recherchés pour leur capital social et valant, parce que «connus», d'être connus (cf. «je l'ai bien connu»), sont en mesure de transformer toutes les relations circonstancielles en liaisons durables.

    Aussi longtemps que font défaut les institutions permettant de concentrer entre les mains d'un agent singulier la totalité du capital social qui fonde l'existence du groupe (famille, nation, mais aussi association ou parti) et de le mandater pour exercer, grâce à ce capital collectivement possédé, un pouvoir sans rapport avec son apport personnel, chaque agent participe du capital collectif, symbolisé par le nom de la famille ou de la lignée, mais en proportion directe de son apport, c'est-à-dire dans la mesure où ses actions, ses paroles, sa personne font honneur au groupe. (Inversement, tandis que la délégation institutionnalisée, qui s'accompagne d'une définition explicite des responsabilités, tend à limiter les conséquences des manquements individuels, la délégation diffuse, corrélative du fait de l'appartenance, assure à tous les membres du groupe sans distinction la caution du capital collectivement possédé mais sans les mettre à l'abri du discrédit que peut entraîner la conduite de tel ou tel d'entre eux, ce qui explique que les «grands» doivent en ce cas s'attacher à défendre l'honneur collectif dans l'honneur des membres les plus démunis de leur groupe). En fait, c'est le même principe qui produit le groupe institué en vue de la concentration du capital et la concurrence à l'intérieur de ce groupe pour l'appropriation du capital social produit par cette concentration. Pour circonscrire la concurrence interne dans des limites au-delà desquelles elle compromettrait l'accumulation du capital qui fonde le groupe, les groupes doivent régler la distribution entre leurs membres du droit à s'instituer en délégué (mandataire, plénipotentiaire, représentant, porte-parole) du groupe, à engager le capital social de tout le groupe : ainsi, les groupes institués délèguent leur capital social à tous leurs membres mais à des degrés très inégaux (du simple laïc au pape ou du militant de base au secrétaire général), tout le capital collectif pouvant être individualisé dans un agent singulier qui le concentre et qui, bien qu'il tienne tout son pouvoir du groupe, peut exercer sur le groupe (et dans une certaine mesure contre le groupe) le pouvoir que le groupe lui permet de concentrer. Les mécanismes de délégation et de représentation (au double sens du théâtre et du droit) qui s'imposent — sans doute d'autant plus rigoureusement que le groupe est plus nombreux — comme une des conditions de la concentration du capital social (entre autres raisons parce qu'il permet à des agents nombreux, divers et dispersés d'agir «comme un seul homme» et de surmonter les effets de la finitude qui lie les agents, à travers leur corps, à un lieu et un temps) enferment ainsi le principe d'un détournement du capital qu'ils font exister.
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    normal R.I.P. Pierre Bourdieu

    Message par Ulice Jeu 11 Aoû 2011 - 16:43

    Si le texte est toujours là, c'est qu'il est ouvert à discussion?
    Je n'ai pas tout lu car ce n'est pas une lecture facile. J'ai lu en diagonal, comme on dit.
    Je croyais avoir compris, selon P.Bourdieu, qu'un capital permettait d’acquérir un autre capital. Quelqu'un à fort capital économique peut transformer celui-ci en capital culturel. Exemple, un chef d'entreprise possédant un capital économique mais serait un gros nul, peut acquérir des tableaux de maitres, ainsi il transforme son capital économique en capital culturel.Ou encore il peut se faire des amis avec son argent et donc le transformer en capital relationnel, ou encore se faire connaitre et reconnaitre par des actions et le transformer en capital symbolique.
    Et ça marche dans tous les sens.
    Quelqu'un possédant un capital culturel, genre une thèse sur les éducateurs, peut le négocier sur le marché (emploi)et le transformer en K. économique, ou se faire des relations dans le domaine (K. relationnel) ou devenir quelqu'un d'important par ses écrits(K. symbolique)
    Et ça marche pour les deux autres entrées...
    c'est ça que je trouvais intéressant chez P. Bourdieu
    En fait, avoir un capital c'est posséder quelque chose, qui n'est pas forcement de l'argent
    Avoir des amis ou des connaissances est un K.
    Il est également intéressant de se demander quel K. nous possédons et vers lequel nous voulons le transformer.
    C'est une dynamique de l’échange.
    Bien sur il existe des individus ne possédant aucun K., il leurs reste leur force de travail et là nous rejoignons K. Marx
    Aujourd'hui (2011) le maitre P.Bourdieu n'a plus trop la cote et nous laissons la théorie du capital de côté pour rejoindre ses disciples comme L.Boltanski, L.Thevenot et remobilisons M.Callon et B.Latour...etc
    Nous entrons dans l’ère des compromis, des ajustements des acteurs...dans la justice ou dans la justesse, une idée de monde commun (pour faire simple).

    Je viens d'essayer de vous relire une deuxième fois et ça me fait le même effet : c'est compliqué comme démonstration.Je ne suis pas sure de comprendre.
    J'ai le sentiment que ce n'est pas uniquement du texte social mais qu'un peu de politico-politique s'y glisserait...

    Je suis une femme, je ne fais pas de politique, je tricote du social au point de croix(re) et je regarde par ma fenêtre passer les RSA qui vont au bureau de tabac gratter l'espoir du capital, noyés dans un petit ballon de blanc, dans la fumée cannabisiale des plus jeunes....

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    normal Re: Le capital social

    Message par Ulice Ven 12 Aoû 2011 - 7:48

    Je suis contente qu'on se rende compte que les dates (années) sont importantes pour l'inter-activité des écrits, des pensées. Sinon je propose que vous supprimiez de ce site les écrits trop anciens. Peut être en faire une rubrique "archives" par année ? consultable pour garder l'étoffe de ce site.

    Finalement personne ne me répondra sur le capital de P. Bourdieu et c'est bien dommage, non pas parce que j'ai pris du temps pour écrire (j'aime écrire)mais j'aurais bien voulu échanger sur les textes de référence à la formation ES...Bourdieu est tombé au fond du puits...
    Vous m'avez sollicitée,certes indirectement, et je viens souffler sur la poussière et vous donne des devoirs de vacances

    Il est regrettable que Darkzapatiste ne soit plus actif sur ce site, il était le seul dans le domaine de compétences que je recherche...C'est bien pour cela que je suis allée chercher ses écrits.

    Je n'ai pas tout compris sur ce site, mais sans Darkzapatiste, je vais tenter l'autonomie.

    Je crée donc un sujet qui prend l'intitulé " Mineurs isolés étrangers" et m'en expliquerai ultérieurement.
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    normal Re: Le capital social

    Message par Zita Ven 12 Aoû 2011 - 8:32

    je pense qu'il est interessant de relancer des sujets qui à l'époque n'ont pas eu de réponse.
    qui sait peut etre que de nouveau internautes peuvent venir apporter leurs lumières et gonfler la reflexion?

    je crois aussi que sur internet , il n'y a pas le même rapport espace-temps.
    ce n'est pas parce qu'on répond à un vieux message que l'échange ne peut pas être relancé sur le sujet. et ce, même si l'auteur du message n'est plus présent sur le site.

    Ajouté à cela, je pense aussi que chacun fait en fonction de son temps, et refléchit selon des tempos différents, des envies, des tendances... un sujet posté hier peut interesser une personne dans six mois car sur le moment la personne n'était pas dans un intérêt et une énergie suffisante pour répondre.

    Moi je trouve que c'est bien de rouvrir ce post. mais peut etre serait il interessant car le texte est un peu dense, de trouver une vidéo ou quelque chose de plus attractif (caricature, article), moi je crois en la variation des styles!




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    normal Re: Le capital social

    Message par Ulice Ven 12 Aoû 2011 - 9:49

    Réponse à Zita

    Je suis en accord avec votre discours.
    Le texte sur le Capital est vraiment difficile à lire, tel qu'il apparait sur ce site. Il est riche mais on ne peut pas toujours ingurgiter autant d'infos à la fois...en tout cas en ce qui me concerne.
    J'ai tenté une variante simpliste du capital de Bourdieu, tel que je l'avais compris à une époque et surtout pour faire le contre-pied à un discours opaque.
    Ce site s'adresse également à des éducateurs en formation, qui n'ont pas forcement passer leur vie à lire de la sociologie. Je suis convaincue qu'il faut d'abord comprendre de quoi il retourne avant de se lancer dans du discours hermetico-intellectuel. La sociologie s'exprime dans un discours vernaculaire et difficile pour le néophyte, afin d'être précise, conceptuelle et de s'inscrire en tant que science élaborée et reconnue. Mais ça , on en a pas vraiment à faire, on veut d'abord comprendre et voir si ça nous sert. Ensuite on pourra toujours le retraduire et mettre des jolis mots qui "s'la pètent" heu, pardon, je veux dire des concepts.
    Je ne sais pas quelles sont les références théoriques dans les formations ES d'aujourd'hui. Les théories bourdieusiennes fonctionnent toujours mais ne sont pas tendance actuellement dans la recherche en sciences sociales. Par contre on peut encore rencontrer des aficionados de Bourdieu dans les replis des formations....
    En fait, tous les auteurs en sociologie sont utiles dans la mesure où ils sont des outils mobilisables pour notre objet de travail. Mais tous ne sont pas mobilisables pour notre objet. Je ne sais pas si je suis claire ? En fait je veux dire qu'il faut faire des choix et ne pas essayer de tout se "taper" sauf, bien sûr, si cela fait partie du programme imposé.

    Quand à la vidéo, ou le fun, je ne sais pas...à vous de proposer... mais l'idée est plaisante...






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    normal Re: Le capital social

    Message par eduardo Lun 5 Sep 2011 - 6:58

    (Attention: Le français n'est pas ma langue maternelle)

    "Le capital social: notes provisoires" doit être traité comme les premières observations d'un sujet qui sera développé par d'autres sociologues (Coleman,...)
    Donc les notes de Bourdieu sont "difficiles"; c'est un texte historique mais ce n'est pas le meilleur texte concernant le sujet. Je conseille Portes (2000, "The two meanings of social capital) pour avoir une meilleure introduction au sujet.

    Il faut dire que le texte de Bourdieu est très riche ; ce n’est pas très sage d’être simpliste. Par exemple, il parle du profit d’appartenir à un groupe. A partir de sa première observation, on pourrait parler de l’entropie des réseaux. Pour cela il faut d’abord délimiter quelles sont les biens intangibles en question. ¿Quand est-il profitable d’appartenir ou former un réseau social ? ¿Quel est le prix? (Une fois délimités les biens, on pourra appliquer un peu de mathématique)

    Il faudrait aussi lire Minsky (« Society of Minds ») et avoir des références sur l’intelligence collective (i.e. « Evidence for a Collective Intelligence Factor in the Performance of Human Groups »).

    Je conseillerais lire les théories de Luhmann sur la société comme un système auto-poïétique. Les analogies entre société et biologie sont intéressantes parce qu’on peut introduire le concept de pression sélective.

    Si on pense au capital social comme un capital, c'est-à-dire un facteur de production des biens de consommation (biens matériaux, biens services ou biens intangibles), le sujet est encore vierge. La réputation ou l’apparence (biens intangibles car ils sont susceptibles de titularisation ou transfert) devraient aussi être considérées comme capital social (Dans l’apparence, la beauté serait du capital social libre de réseaux –établis– si on croit a la beauté comme une valeur universelle et non pas la conséquence de préjudices.)

    Finalement, une réflexion. Penser a l’héritage. Le capital social fait partie de l’héritage, mais ce n’est pas seulement les relations interpersonnelles et ses structures, il faut inclure d’autres intangibles comme le bagage culturel ou les croyances parce que ceux ci peuvent aussi agir comme des facteurs de production.





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    normal Re: Le capital social

    Message par Kris Lun 5 Sep 2011 - 11:37

    Michel7034 a écrit:Bonsoir,

    Il y a peu de chance que tu ne reçoives une réponse de Darkzapatiste, car ce message date d'il y a longtemps et il ne passe plus sur ce forum...d'où l'utilité de l'année des messages !!!!

    Je vais demander à Kris de s'en occuper


    Salut à tous!

    Alors pour afficher l'année du message il faut aller dans:
    Profil--> Préférences--> Format date. Vous choisissez le format de date et validez!!

    Voilà!
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    normal Re: Le capital social

    Message par Kris Lun 5 Sep 2011 - 17:15

    Merci..... Embarassed
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    normal Sociologie à coloration "école française"

    Message par Ulice Lun 5 Sep 2011 - 19:12

    Bonjour à l’Équateur
    C'est assez compliqué ce que tu dis...
    Le modèle Bourdieusien de la domination apparait aujourd'hui, incomplet comme outil pour comprendre les relations qui se jouent dans nos organisations.
    Je préfère à cela le monde de l'incertitude et de l'agir...pas beaucoup de déterminisme, plus de capital social pchittttt mais des stratégies, des conflits, des compromis, des réseaux,...etc
    C'est peut être pour cela qu'il y a autant de personnes qui restent sur le bord de la route.
    Finalement les classes sociales ça avait du bon ! On savait qui on était et quelle objectif on avait.
    Aujourd'hui, c'est plus flou...plus individuel...plus instable même en ce qui concerne le capital social, regarde D. Strausskahn. Si on l'analyse avec une théorie bourdieusienne, ça marche mais si on regarde la fin des négociations juridiques , on peut dire qu'on a eu affaire à des arrangement, des conflits, de la justice, des médias, de l'incertitude, un compromis.
    le capital social m'apparait comme quelque chose de plus figé et nous sommes au temps des changements...en France, en Europe
    c'est pour cela que je ré-interogeais sur ce site, le capital de Bourdieu. Les limites du modèle du kapital.
    Nous(éducateurs)ne sommes pas là pour comprendre le monde mais le monde social, ses usagers et son organisation, déconcentrée et décentralisée,ses partenaires, ses projets et, pourquoi pas ses théories
    Telle est ma préoccupation professionnelle sur un site professionnel
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    normal Re: Le capital social

    Message par eduardo Mar 6 Sep 2011 - 14:37

    1) Non, ce n’est pas si compliqué :

    - Portes est très accessible et son article n’est pas long (Cependant, il est possible qu'il n’existe pas une traduction en français)

    - « Society of Minds ». C’est difficile à lire parce que Minsky est un terrible écrivain. Mais son œuvre reste facile. Son modèle de création d’intelligence à partir de « non-intelligence » permet de comprendre l’idée de culture au-delà des catégories (religion, langue, histoire,…) qui la composent. (Pour faire la relation il faut penser à l’intelligence collective)

    - Luhmann est fantastique mais un peu compliqué. Je le conseille non seulement parce qu’il fait les analogies entre systèmes de pensée, sociétés et êtres vivants, mais il parle de communication. Si le capital social traite d’intangibles, il faut parler de systèmes de communication (théorie de la communication). Luhmann est le premier qui le remarque. (Il nous permet de spéculer sur le capital social comme le software qui dirige le hardware de la machinerie sociale).

    En résumé, ce n’est pas compliqué mais il faut le lire. J’insiste, Portes est excellent comme introduction. Je ne suis pas d’accord avec lui en ce qui concerne certaines définitions et conclusions, mais « Social Capital : Its origins and applications in modern sociology » est un classique, un point de référence. En plus ce n’est pas dense comme Bourdieu.


    2) IMPORTANT : Peux-tu faire un petit résumé du modèle Bourdieusien pour que je puisse voir la logique dont dérivent tes conclusions.


    3) Pour analyser le cas de Strausskahn, il faut comprendre la législation aux Etats-Unis. Clinton risquait sa présidence parce qu’il avait menti, non pas parce qu’il a eu du sexe avec Lewinski. La défense de Strausskahn avait dans sa possession des preuves pour montrer que l’accusation provenait de quelqu’un qui avait déjà menti (En effet ça a une définition légale, quand on ment sous jurement). Le fiscal ne pouvait rien faire dû le temps entre la violation et l’appel à la police (elle avait dépensé des minutes avec un ami avant de faire publique sa violation au staff de l’hôtel): trop de candidats possibles pour donner a Strausskahn l’avantage de la doute raisonnable. En plus, ils n’ont pas trouvé des traces d’ADN sur elle ; non plus des signes de résistance de la part d’elle sur lui…. Continuer l’accusation pouvait risquer d’avoir Strausskahn jugé innocent.


    4) « Le capital social m'apparait comme quelque chose de plus figé et nous sommes au temps des changements...en France, en Europe »

    Une conclusion violente. Si le capital social parle du flux d’information et des relations interpersonnelles, est-il figé? Si on parle d’un système auto-poïétique, analogue au vivant, n’est pas sous entendu la propriété/l'élan d’adaptation? Si on parle de la société comme un système intelligent –capable de créer intelligence au-delà de ses composants–, est-il figé?... Le flux d’information aide à comprendre les bouleversements conséquence de l’internet ou les migrations… Mais il faut d’abord comprendre que des paradigmes comme l’amour romantique ne sont pas universelles et plutôt culturels (Kuhn, « The structure of scientific revolutions », aide à comprendre certains bouleversements).

    5) En ce qui concerne la profession :

    "Un educador intenta presentar los diferentes aspectos de un asunto; las bases para dudar, así como las bases para creer los alegatos que presenta; las ventajas y las desventajas de cada acción concebible. La educación apunta a inducir al educando a colectar y evaluar la evidencia por sí mismo; a asistirlo en el aprendizaje de las técnicas para hacerlo. La educación no se compromete c** los dogmas ni se facilita c** la persuasión, pues la educación enseña a aprender, aunque se corra el inevitable sacrificio de no enseñar lo aprendido."

    Traduction rapide (le texte en espagnol est meilleur) : Un éducateur essaye de présenter les différents aspects d’un sujet ; les fondements pour douter, aussi comme les fondements pour croire; les avantages et désavantages de chaque action concevable. L’éducation veut induire la collection et évaluation de l’évidence indépendantes. L’éducation essaye d’assister dans l’apprentissage des techniques pour le faire. Mais l’éducation n’est pas commis aux dogmes ni est faciliter par la persuasion, parce que l’éducation montre comment apprendre, bien qu’on risque le sacrifice de ne pas montrer ce qui a été appris.

    6) En ce qui concerne le site:

    «Como se dijo al comienzo, otros autores antes usaron el término, aunque no llegaron a especificar formalmente su tratamiento. Entre los más destacados, se encuentra Pierre Bourdieu (1980), que lo empleó de modo analógico en el contexto de sus estudios sobre la estratificación social desde la perspectiva de los campos (Portes, 1998; 2004). Debido a que su influjo en la literatura dominante sobre el tema ha sido prácticamente inexistente, no lo consideramos en este trabajo. » (Cuellar Saavedra y Bolívar Espinoza, El Capital Social Hoy, 2008)

    Je n’ai pas envie de le traduire mais ce que les auteurs disent, dans une petite note au pied de page, est qu’il ne vaut pas la peine d’étudier Bourdieu. En général c’est la perspective latino-américaine. Moi, parcontre, j’ai envie de savoir plus sur Bourdieu parce que certains critiques (i.e. « La dynamique des échanges non légitimes reste hors jeu ; n’a pas donné lieu à des investigations empiriques » —Bevort, 2003, A propos des théories du capital social—) montrent du sectarisme car leur interprétation du capital social est au niveau des structures des relations et non pas au niveau du transfert d’intangibles.

    CONCLUSION : J’aimerais que tu puisses faire un petit résumé de ton modèle Bourdieusien.

    Ah! Salut (je croyais l'expression était belge, non pas française)
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    normal Traduire c'est un peu trahir

    Message par Ulice Jeu 8 Sep 2011 - 14:08

    1- Lectures.
    Je suis allée consulter et j'ai trouvé Alejandro Portes,Its origins and applications in modern sociology, citant les autres auteurs comme Coleman...etc mais c'est en anglais et mon anglais n'est pas assez bon pour comprendre la finesse de l'articulation des concepts.Je suis désolée de ne pas pouvoir communiquer sur cela et regrette de ne pas comprendre suffisamment le texte et surtout de comprendre comment Bourdieu arrive aussi tardivement aux USA alors qu'il n'est plus vraiment mobilisé en France, en ce qui concerne le travail social.
    Dans la bibliographie de Portes, Bourdieu est cité, mais pas son ouvrage "La distinction" et je m'en étonne....pour moi, il a été un ouvrage de référence...

    2- Résumé du modèle bourdieusien
    Alors là, la demande me tue...faire un résumé de Bourdieu ?
    Il a passé sa vie à élaborer un système complexe de compréhension des structures sociales et moi je le résumerais ?
    Dans un de mes messages précédents, il est vrai que je me suis amusée à traduire, de façon simpliste, les quatre capitaux de Bourdieu, mais c'était dans un but pédagogique, adressé à des futurs éducateurs afin de leurs ouvrir, peut être, une porte accessible au modèle de langage vernaculaire car il me semble que Bourdieu est toujours d'actualité dans les écoles de formation d'éducateurs et sa lecture est toujours aussi difficile.
    Maintenant, si je m'adresse à quelqu'un d'un niveau équatorien mon discours va être différent.
    Bourdieu base sa théorie sur des relations dominants-dominés et sur une forme de déterminisme social (la fameuse trajectoire), il est empreint de marxisme, structuraliste, constructivisme.
    Très bien !
    Mais dans le travail social (et je me répète en disant que j'écris sur un forum d'éducateurs et non pas au sein d'un think tank ) cela occulte le fait que les personnes (ou les agents pour Bourdieu ou les acteurs pour d'autres) peuvent opérer des stratégies convergentes, des compromis qui ne sont pas en lien avec leur classes sociales mais avec leur position dans une organisation donnée.
    Or, je suis éducatrice et je travail sur les politiques sociales et publiques, déclinant le travail social. Et je n'oublie pas les usagers qui sont censés être au cœur des dispositifs (ça c'est pour les élèves éducateurs).
    Je ne suis pas là pour refaire le monde mais comprendre à quel point on se moque de nous (RGPP) et ce que je peux comprendre, faire, améliorer, innover, dans le champ de l'action sociale....
    Je ne suis pas une étudiante en sociologie (ce ne serait pas le bon forum )mais une éducatrice spécialisée, en formation. Cependant la sociologie est ma façon de penser les relations depuis bien longtemps...J'ai acquis quelques fondamentaux...

    3- Une école française
    Afin de dépasser la structure qui pourrait , à la limite, tenir sans les agents, on cherche, dans un héritage de sociologie de la compréhension, de la phénoménologie, à appréhender les faits. Il est recherché le processus qui commande le fait, le cheminement dont il a été l'objet, cela permet de saisir ce dont il est porteur.
    Ce n'est pas, lorsque les choses sont vraies, elles tiennent mais, lorsque les choses tiennent, elles commencent à être vraies.
    Je vais m'arrêter là par crainte d'être imbuvable pour d'éventuels lecteurs et me permettrais de conseiller la lecture d'auteurs, héritiers de Pierre Bourdieu comme L.Boltanski, L.Thevenot,et M.Callon, B.Latour....
    Il n'y a pas de "vrai sens" que seul le sociologue découvrirait et pourrait expliquer mais des justifications de personnes donnant du sens à ce qu'elles font (héritage de M. Weber)

    4- Je n'ai pas envie de revenir sur l'affaire DSK. Je le prenais en exemple pour justifier du fait qu'il y a aussi des négociations, des arrangements, des compromis et que ça peut être aussi une façon de voir , de faire de la sociologie.Sinon, d'un point de vue juridique, il est bien entendu qu'il faut introduire la spécificité USA de la crédibilité qui ne se trouve pas dans le droit français.

    5- Le capital social
    A force de parler de cela , je ne sais plus si nous parlons vraiment du capital social chez Bourdieu ou de sa traduction chez Portes (que j'ai survolé de mon anglais déplorable).
    Je pourrais ajouter quant au flux d'informations : aujourd'hui, il n'est pas un capital en terme de quantité mais il faut détenir l'information au bon moment.
    Au sujet du romantisme , je trouve cela très intéressant mais plutôt du domaine de la philosophie et rappelons le, je ne suis qu'une éducatrice et je constate qu'il y a peu de romantisme dans le travail que je fais en ce moment.
    Si j'avais plus de temps pour cet écrit , je partirais bien sur l'agapé pure de Boltanski mais....

    6- L'éducation
    Alors là, Bourdieu dans "La reproduction" est un bon commencement.
    Oui, je suis concernée par l'éducation mais dans son ensemble , c'est à dire dans son monde en interactions avec d'autres champs et ses acteurs à la périphérie ou extérieurs.
    Quelles politiques publiques et sociales concourent aux diapositifs d'éducabilité ? Et tellement d'autres questions qui s'y rapportent.....
    Si, l'éducation repose sur un dogme...cf la culture légitime de P. Bourdieu

    7- Connaissance
    Je pense que si on est intéressé par un auteur, le mieux est qu'on le lise et ensuite qu'on puisse échanger sur sa compréhension.Je n'ai pas une connaissance exhaustive de l'auteur.
    Je serais bien rester sur Bourdieu mais ma formation me pousse à le dépasser et peut être à pouvoir analyser la dynamique des échanges non légitimes ? de l'informel dirait G.Simmel

    8- Ce forum
    Je crois qu'il ne faut pas oublier qu'il n'y a pas que nous deux sur ce forum et je suis le genre à me faire violence afin de rester dans le cadre supposé...
    Un peu de frustration ne tue pas !


    Au plaisir de te lire

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