Le Quotidien et la question du Sens
Depuis notre naissance et jusqu’à notre mort nous évoluons au grés du temps, au fil des saisons à la lueur des jours, notre parcourt de « vie » et agrémenté d’actions répétitives et de rythme que nous vulgarisons par un terme : le quotidien.
Ce quotidien si nous n’en prenons pas garde, peut nous enfermer dans une série de gestes que nous qualifierons de Pavloviens tels que : dormir, manger, laver son linge, faire la vaisselle voire fêter un anniversaire etc.
Ces gestes relevant de « l’automaton », concept abordé par Aristote (ce qui revient tout le temps), peuvent nous dérober un droit fondamental qu’est celui de « l’agir ». En effet ce quotidien automatique donne raison à cette petite phrase fataliste : « ainsi est faite la vie » (Jacques le fataliste. Diderot) , occultant notre capacité d’exister en actant chaque moments de notre vie (on touche également par ce problème la notion de liberté).
Devenir acteur au quotidien signifie donc, être acteur du quotidien, pour cela il est essentiel de se détacher d’une doxa faisant de ce dernier un espace pré-réglé et vide de vie, le quotidien n’est qu’une répétition monotone et abstraire que si nous ne lui donnons aucun sens.
« Chaque jour que je vie est un jour que j’apprécie » ( Squat ‘libre’).
Une approche philosophique permettra d’étayer ma réflexion sur le quotidien, de par ce fait je voudrai m’attarder sur trois philosophes plus particulièrement : Héraclite d’Éphèse, Aristote et Marcel Proust (inspiré de Bergson)
- Héraclite explique 500 av J-C qu’avec le recul nécessaire toute personne peut appréhender différemment ce qui l’entoure (cosmos) même le quotidien. Il dit « celui qui descend tout les jours se baigner dans le même fleuve, ce baigne tout les jours dans une eau nouvelle ». Il démontre que deux gestes pouvant être similaire d’apparences ne sont pas pour autant identiques, car s’il on regarde bien chaque chose que nous faisons est unique. (ce que je vie ici en rédigeant ce post je ne le revivrai plus jamais de ma vie.)
- Aristote quant-à lui dégage une vision davantage manichéenne du quotidien: l’automaton et la tuché.
Comme nous l’avons vu plus haut l’automaton résume tout ce qui revient de manière inévitable et répétitif. Il introduit intrinsèquement la tuché c’est à dire l’aléatoire (l’ancêtre de « l’inquiétante étrangeté » de Freud): l’imprévu. Nous pouvons résumer l’idée d’Aristote en disant que l’automaton (l’automate ce qui est sans vie) se reproduit jusqu’à la mort alors que la tuché, l’aléatoire offre l’imprévu porteur de vie au quotidien.
- Marcel Proust écrivain Français vu influencé par le philosophie de Bergson (*Note de Darkza :cela n'est que mon point de vue) et donc sur la question du temps. Proust nous fait comprendre que ce quotidien se glisse, se faufile et se défile ce qui nous empêche de l’apprécier et en réalité de l’acté. Le recul se fait avec le temps qui nous en éloigne, alors que le véritable recul est dans la prise de conscience du moment présent et par conséquent dans l’attribution du sens que nous lui procurons.
En résumé le quotidien ne peut être défini que par le sens que nous lui accordons, la notion de répétition n’est pas une loi qui nous est imposé, libre à nous de nous en détacher.
Comprendre le quotidien c’est pouvoir percevoir qu’il est constitué d’éléments uniques, seul l’enchaînement nous donne l’impression de routine, qui n’est pas forcement mauvaise car elle sécurise et stabilise.
L’apprécier c’est accepter de laisser y entrer de l’imprévu, de la vie, cette « inquiétante étrangeté » qui vient perturber les rouages méthodiques de nos vies, nos institutions ( République, école, famille…).
Donner du sens c’est se donner les moyens « d’Être » et de ne pas « être la » (Sartre), le quotidien ne se vit qu’au présent, si nous devons attendre l’avenir pour donner du sens à un quotidien passé, nous pouvons réellement nous demander si nous avons exister à ce moment la, et si nous gestes furent porteur de vie (de sens) pour nous et pour ceux qui nous ont entouré lors de ce quotidien atonique.
Le quotidien lever et son institution
L’Humanité depuis les premières civilisations, a découpé le temps en rythmes, organisé et préréglé la vie en l’intégrant à de multiples institutions. Nous pouvons dire aujourd’hui que la Vie n’est qu’un quotidien en Institution. Bien plus qu’un rythme le quotidien devient un cadre de référence pour des millions de personnes qui partagent quotidiennement les mêmes habitudes, les mêmes gestes, les mêmes horaires etc. Le quotidien par déduction confère et réaffirme l’appartenance à une société, une culture commune partagée par tout ceux qui si soumettent (aux risque d’être considéré comme déviant, sujet que ne n’aborderont pas ici.)
accompagner la personne dans un rythme de vie.
L’éducateur a un rôle normatif concernant le rythme. Tout en respectant la personne il doit lui faire prendre conscience que vivre ensemble passe forcement par le respect du rythme de chacun en établissement un rythme commun. Ce rythme commun gardien de la vie de groupe et fondateur des règles de vie doit être assez flexible et élastique pour atténuer les tensions « enjeux collectifs/intérêts » individuels. La souveraineté de la personne accompagnée se fait par la prise en compte de la singularité de celle-ci: en effet chacun « s’éveille et sort de sa bulle » à sa façon le matin et chacun « affronte la montée des peurs et angoisses » le soir avec ses propres subterfuges.
Il est important de faire comprendre que les levers et couchers sont des étapes essentielles pour assurer un rythme de vie sociale, professionnelle équilibré. Ils sont des marqueurs de la journée stabilisant et sécurisant, qui précisent quels comportements sociaux on doit adapter (on ne va pas taquiner un ballon de foot une demie heure afin le coucher par ex, en revanche on peut s‘isoler et lire une Bd)
Donner la possibilité à des jeunes adolescents ayant une déficience mentale de pouvoir se structurer dans le temps permet de les aider à s’inscrire dans une réalité concrète ou ils pourront faire leur choix d’organisation et donc être acteur.
Structurer le temps c’est aussi leur donner une appartenance et ne pas vivre en marge, mais bien avec le monde qui les entoure. Vivre la nuit et dormir la journée (ex poussé à l’extrême) ne peut que marginaliser, l’intégration ne peut se faire que si l’on possède les mêmes repères que la structure (la société) que l’on souhaite intégrer.
Accompagner la personne dans la vie quotidienne c’est lui faire comprendre que les rythmes sont sécurisant d’une part mais qu’a l’inverse il ne sont pas immuable. Occasionnellement, se lever plus tard ou regarder le match de foot jusqu’au bout fait parti de la vie de tout les jours (introduire l’aléatoire moteur de vie). L’important étant de comprendre pourquoi de telles choses ne sont pas possibles tout le temps.
Pour cela le quotidien devient un véritable outil, il permet d’aider le jeunes à se projeter. Se définir non plus dans le moment présent mais dans l’avenir: « tu sais quand tu travailleras, tu ne pourras pas regarder la télé tout les soirs, tu seras bien obligé de faire des choix, tu crois pas? ».